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Laurette Lacroix a fait ses études après l'application de la Loi sur les écoles du Manitoba qui abolissait le français comme langue officielle, et après que l’enseignement public en toute autre langue que l’anglais y soit interdit. Malgré tous ces efforts d’assimilation des francophones, Laurette réussit non seulement à conserver son français, mais à coucher sur papier des anecdotes sur sa vie à la ferme lorsqu’elle était jeune fille et jeune mère. C’est à titre posthume que nous publions ses écrits.

Le jour de l’An chez grand-maman

(suite)

Les tables sont couvertes des meilleurs mets : pâtés, boulettes, saucisses maison, rôtis, jambons, ragoûts, patates pilées, légumes, etc. La majeure partie des produits vient de la ferme même. Pour le dessert, il y a le fameux sucre à la crème de grand-maman, des fruits et surtout la gélatine multicolore décorée de crème fouettée. 

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Les tables des enfants se vident toujours plus vite que les autres, les enfants ayant très hâte d’aller courir dans les deux grands escaliers et s’amuser dans une grande chambre prévue pour eux qu’on a remplie de jeux. Dans une autre pièce, les jeunes mamans prennent soin de leurs bébés en gardant l’œil sur les plus grands, plus tannants et parfois trop audacieux dans les jeux. Les parents aiment bien que leurs petits retournent chez eux avec tous leurs cheveux. Après une demi-heure de jeu, même les plus gênés finissent par y prendre part. 

Le repas fini, les jeunes filles et garçons aident à faire la vaisselle et à débarrasser la place. On a tous hâte de danser, surtout les fameuses danses carrées, les gigues, la danse du petit bonhomme…, mais les danses « collantes » sont interdites (loi de grand-maman). 

Dans une si grande famille, c’est facile de trouver des musiciens, mais il faut une bonne équipe de « calleurs » pour remplacer au fur et à mesure ceux dont la voix s’épuise à tenter de se faire entendre par-dessus tout ce bruit. 

Ça swingue allègrement chez les cousins et cousines. Je pense que c’est lors de ces soirées que nous avons tous appris à danser et à nous dégêner. 

Pendant la veillée, quand tout se déroule bien, les enfants à leurs jeux, les danseurs, les joueurs de cartes avec les petits dormant sur leurs genoux, grand-mère profite de l’accalmie et monte dans sa chambre pour donner sa bénédiction du jour de l’An à chacun des enfants qui ne l’ont pas encore reçue. C’est peut-être aussi sa chance de leur parler en privé et de les encourager au besoin.

Après la soirée, on retrouve les cravates des petits garçons et les boucles de satin des petites filles dans les escaliers. Sur un tapis, le petit chien dort profondément, le poil tout collé en raison des caresses de petites mains sucrées. 

Si on a l’impression d’un champ de bataille à la fin de la soirée, c’est une guerre sans blessés et plusieurs sont prêts à recommencer. 
 

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