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Laurette Lacroix a fait ses études après l'application de la Loi sur les écoles du Manitoba qui abolissait le français comme langue officielle, et après que l’enseignement public en toute autre langue que l’anglais y soit interdit. Malgré tous ces efforts d’assimilation des francophones, Laurette réussit non seulement à conserver son français, mais à coucher sur papier des anecdotes sur sa vie à la ferme lorsqu’elle était jeune fille et jeune mère. C’est à titre posthume que nous publions ses écrits.

Le jour de l’An chez grand-maman

Tous les enfants trépignent de joie… c’est le jour de l’An. Notre grand-mère, avec son perpétuel large sourire et de la joie plein le cœur nous attend les bras bien ouverts, comme les portes de sa maison. Elle attend tous ses enfants et petits enfants, et aussi plusieurs amis de la famille. Il y a plus d’une centaine d’invités et, comme de raison, beaucoup de nouveaux bébés, qui sont les vrais cadeaux pour grand-mère, ce jour-là. 

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C. Krieghoff, Traîneau d’habitant, vu près de la frontière du Canada,
détail, v. 1847, 64,1 x 92 cm, coll. Thomson, MBAO, repr. dans REID 1999, p. 13.

Tout ressemble à une carte de Noël. Les voitures s’approchent du pont, les chiens aboient et les jeunes garçons courent et se poussent dans la neige. Aussi, on entend les crissements de la neige sous les skis des traîneaux, et le tintement des cloches et des grelots qui garnissent les attelages des chevaux. Ceux-ci, les narines écartées, la respiration agitée, les yeux brillants, l’écume commençant à geler et formant des moustaches blanches ont l’apparence de pères Noël à quatre pattes. 

Les pères de famille encore tout jeunes lancent leur voiture à toute vitesse, pour gagner la course contre les voitures de leurs frères. Même les mamans sourient à ce jeu sachant bien que le dernier à entrer dans la cour recevra la fameuse bascule, dix coups vers le plafond de la cuisine, au bout des bras de ses frères et beaux-frères. 

On est entré! Les guirlandes aux plafonds et aux fenêtres se balancent. Les parents mettent les manteaux de leurs enfants dans leurs propres manteaux. Ceux qui ont plusieurs enfants empilent ces manteaux gonflés sur les lits au plus grand plaisir des enfants qui se faufilent dessous en jouant à la cachette. Mais le petit chien les trouve toujours.

 

Les grandes tables, toutes belles avec les nappes blanches, arborent la vaisselle des fêtes. Le service du repas a été confié à deux voisines de confiance, pour permettre à grand-maman d'avoir le temps d’apprécier ses invités. 

Dans la grande salle à manger, grand-maman s’assoit sur sa chaise au bout de la grande table – une place bien méritée. Grand-maman Ida, une petite personne de 4 pieds 11 pouces aux yeux gris vert, est devenue veuve jeune avec 11 enfants à élever. Ayant bien connu la pauvreté, le dur labeur, la maladie, le deuil, etc., elle est en sécurité aujourd’hui. Joyeuse, elle commence le repas avec la bénédiction suivie par la levée de son verre pour souhaiter à tous une bonne santé pour la nouvelle année. Comme toujours elle chante sa chanson des fêtes, qui sera suivie de celles de ses enfants tout au long de la soirée.

(suite au prochain numéro)

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