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Le couvent et l’école

La congrégation de Notre-Dame des Missions a été fondée par Euphrasie Barbier en 1860. Une petite femme française née le 4 janvier 1829. Elle est décédée le 18 janvier 1893. Mais cinq années et demie plus tard, un groupe de religieuses se rendit au Canada pour ajouter des maisons à celles qui étaient déjà en Angleterre, en France, en Nouvelle-Zélande et en Inde. Les premières religieuses résidèrent en Saskatchewan, ensuite à Sainte-Rose du Lac au Manitoba, suivi de Brandon et de Saint Eustache le 18 octobre 1901. Déjà, l’assimilation se faisait sentir par le Département de l’éducation qui obligeait les sœurs françaises à échanger leur diplôme français pour des certificats bilingues à condition que leur anglais soit satisfaisant.

Le 13 août 1905, les sœurs Marie-Eusébie, Marie-Saint-Alix et Marie-Sainte-Léocadie ouvrirent une mission à Élie. Hébergées dans deux petites chambres au-dessus de la vieille école, elles commencèrent à enseigner à soixante petits enfants le 3 septembre 1905. Rapidement, elles ont perdu les surnoms de corneilles et de sorcières pour des femmes aimables et pleines de compassion. Leur première maison à Élie, située au centre du village, brûla complètement le 1ᵉʳ janvier 1912. Elles retournèrent donc dans leur petite chambre en haut de la vieille école jusqu’en 1914, quand un terrain fut acheté pour y construire une école neuve de quatre chambres ainsi qu’un couvent. Le couvent existe encore. Abandonnées avec une grosse dette et des taux d’intérêt élevés, elles persistèrent de peine et de misère. Là, je comprends pourquoi mon père voulait augmenter leur salaire de 25 $ à 30 $ par mois.

Des cinq pensionnaires, deux ne pouvaient pas payer. Deux payaient seulement la moitié des frais et une payait le plein montant. Les Sœurs de Notre-Dame des Missions faisaient leur possible pour maintenir le français, tout particulièrement dans les villages de Letellier, de Saint-Joseph, d'Élie, de Saint-Eustache, de Grande Clairière en Saskatchewan et de Sainte-Rose du Lac. Partout où elles passaient, elles faisaient leur possible. Malgré tout, en 1890, la législature du Manitoba nous a enlevé nos droits.

Les Sœurs de Notre-Dame des Missions et leur couvent ont joué un grand rôle dans la vie des Bernardin, comme dans bien d’autres familles d’ailleurs. Le couvent était situé pas très loin au sud-ouest d’Élie, à proximité de la rivière La Salle.

Topographie de la rivière La Salle*

Topographie de la rivière Lasalle.png

* Un mille à l'ouest du village d'Élie

Comme indiqué sur la carte, un bon nombre de gens étaient installés sur les rives de la rivière pour toutes les raisons que l’on connaît. Dans le livret du centenaire de la paroisse Saint-Sacrement, ça dit bien que les professeurs laïcs ont enseigné jusqu’en 1905 alors que les Sœurs de Notre-Dame des Missions vinrent à Élie pour assumer les responsabilités et l’enseignement des enfants. J’ai continué mes recherches pour en dire plus long sur leurs efforts à enseigner le français, maintenir Élie et respecter les francophones comme bien d’autres villages des alentours.

De mémoire et avec un peu de recherches, j’ai connu Marie-Anne-de-Jésus, Georgiana Barnabé, connue sous le nom de sœur Barnabé, décédée à Brandon le 23 mai 1980. Dans les années 1940-45, elle nous enseignait durant les premières années d’école. Je me souviens de sœur Agnès, petite et sans défense. Elle nous a enseigné en 3ᵉ année. Elle nous surveillait comme une mère poule et nous suivait de près dans nos leçons. J’ai perdu toute trace d’elle. D’après nous, elle était assez âgée. Sœur Agnès, dans les classes de 2ᵉ et 3ᵉ années, nous tenait sous surveillance et nous voulait le plus grand bien. Je ne sais pas où elle prenait son énergie, car elle ne devait pas être plus grande que 4 pieds et demi, elle nous donnait toujours des bonbons. Vous savez que le costume des Sœurs de Notre-Dame des Missions comprend deux grosses pochettes qui s’attachaient autour de la taille sous leur grande robe noire. Et là, il fallait trouver l’ouverture et ensuite fouiller pour trouver l’objet voulu. Quand c’était le tour des bonbons, ça prenait une éternité. Une fois que la petite boîte rouge d’Oxo était finalement récupérée, il fallait la retirer de tout ce linge et l’ouvrir pour enfin sortir le bonbon du jour et le donner. J’ai vérifié ce fait récemment auprès des Sœurs de Notre-Dame des Missions qui vivent dans le bois comme moi. Sœur June et sœur Gertrude se sont retirées à la campagne après avoir vécu une vie de missionnaire, surtout dans le Nord. Elles ne pouvaient pas s’adapter au luxe de la ville qu’elles trouvaient aussi trop bruyante.

Puis il y a eu sœur Renée née Gobillot. Après un séjour avec nous tel que mentionné plus tôt, elle tomba malade très jeune et mourut à Sainte-Rose du Lac au Manitoba. J’ai eu de la peine quand on nous a annoncé sa mort. De toute façon, la classe entière avait été marquée par son court séjour avec nous et surtout par sa mort précipitée.

Pour les 3ᵉ et 4ᵉ années, je crois que c’était sœur Germaine. Elle était très patiente avec nous. Nous étions indisciplinés et elle était trop bonne. Sœur Germaine parlait aux garçons et leur disait qu’une fille c’est comme une fleur, qu’il ne fallait pas y toucher parce que ça la ferait faner! Ah! Sœur Germaine! Si tu savais! Elle voulait nous faire peur, car c’est évident que c’est justement le contraire qui se produit! Le vrai problème est que les femmes font damner les hommes! J’aimerais que sœur Germaine soit encore là pour piquer une bonne discussion avec elle et aussi ses consœurs qui pensaient la même chose, mais n’en parlaient pas. Je l’avais rencontrée par la suite chez Eaton quand j’ai appris la télégraphie. J’ai fait mes excuses, pour toute la classe et surtout pour George Bouchard. Pour notre conduite de tannant. Je me souviens qu’elle nous lisait les exploits de trois petits enfants qui étaient toujours mal pris : « Les enfants perdus et retrouvés » et elle s’arrangeait pour finir à un endroit critique le vendredi après-midi et nous laissait en suspens jusqu’au prochain vendredi. Soit un des enfants était tombé dans la rivière ou perdu quelque part. Elle était trop bonne pour nous autres. Surtout les gars. La bonne sœur Germaine, elle était arrivée de l’Alsace le 21 janvier 1905, elle fit ses vœux perpétuels le 2 janvier 1911 et elle est décédée à Regina le 1ᵉʳ juin 1965. Je l’avais remerciée pour le travail qu’elle avait fait pour nous. Ensuite nous avons eu sœur Saint-Camille, une Barnabé de Letellier. Elle avait une main un peu plus forte et elle réussissait assez bien avec nous en 6ᵉ et 7ᵉ années. Nous avions réussi à prendre connaissance des examens du lendemain en grimpant la glissade à feu et en forçant la porte de notre classe. On ne prenait pas toutes les réponses afin de demeurer à notre niveau et ne pas éveiller les soupçons, et d’ailleurs nous avions des principes. Nous ne voulions pas de meilleures notes que les filles. Surtout Vernette Aquin, elle apprenait tout par cœur et n’aimait pas ça quand elle perdait des points.

Où es-tu Vernette? On ne pouvait même pas copier sur elle, alors moi, j’allais voir ma cousine Stella Bernardin pour me faire aider.
 

(suite au prochain numéro)

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