La paroisse (suite)
Dans le livret du centenaire français de la paroisse d’Élie au Manitoba, on trouve des extraits de lettres de monsieur l’abbé Louis Hogue, prêtre et curé, qui nous parle de la bénédiction par monseigneur Langevin de la pierre angulaire de l’église Saint-Sacrement à Élie. La construction comme telle a été faite par un M. Tétrault et Dosithé Bernardin (le frère de mon grand-père Louis). Les responsables de l’établissement de cette paroisse sont des paroissiens qui apparaissent au cours de cette histoire, dont voici quelques noms : Élie Dufresne, Mᵐᵉ Fournier, Mᵐᵉ Bachan, Louis Bernardin (grand-père), O. Beaudry, A. Beaudin, W. Hacault, A. Aquin, et j’en passe. Le père Hogue, un des principaux curés de la paroisse d’Élie a été ordonné le 19 juillet 1903. En 1916, il prit en charge notre paroisse pour une période de 28 années. Ce premier édifice fut remplacé par le présent construit en 1928. Mᵍʳ Sinotte le bénit en juillet de la même année. C’est Hervé Hébert qui a été le premier enfant à recevoir la première communion dans cette église. C’est curieux pour moi d’écrire cela parce que lorsque j’étais enfant, lui, M. Hébert était vieux et de mémoire, il n’allait plus à la messe. En ce temps-là, nous, les enfants, on le trouvait mystérieux ce M. Hébert. Il demeurait dans une maison qui n’a jamais connu une couche de peinture de sa vie, le long de la rivière, et quand il sortait, on voulait voir la grosse prune qui lui poussait dans le cou. On n’allait jamais dans son coin le soir de l’Halloween!
La formation du diocèse de Winnipeg, qui comprend cette paroisse ainsi que les paroisses francophones environnantes, est très bien expliquée dans l'un des derniers écrits de Raymond Huel parlant de Mᵍʳ Taché. Cette conférence par Raymond Huel a été donnée le mardi 23 mai 2006, lors de la tenue de la réunion annuelle de la Société Historique de Saint-Boniface. Elle avait été très appréciée par l’assemblée. Les premiers comptes rendus du livret de la paroisse Saint-Sacrement 1903-2003 parlent de la paroisse Saint-Sacrement, telle que mentionnée auparavant comme étant une mission de la paroisse de Saint-Eustache, dans l’archidiocèse de Saint-Boniface. En ce temps-là, il y avait trop peu de colons qui voulaient s’installer dans la région d’Élie pour nécessiter la création d’une paroisse. On disait que c’était trop marécageux. Il est donc important de lire les écrits de M. Huel afin de comprendre le lien et ses conséquences.
Des prêtres de Saint-Eustache venaient célébrer la messe une fois par semaine à Élie jusqu’en 1907 après une dispute entre le terrain d’Éd. Roy du village et celui d’Élie Dufresne près de la rivière La Salle. Il faut croire qu’Élie Dufresne avait raison, car l’église a été construite sur son lot, et elle y est toujours d’ailleurs.
Les paroissiens avaient de la difficulté à s’entendre et cela a pris deux ans pour régler leur différend. L’hiver de 1910, un presbytère fut construit par Dosithé Bernardin et M. Douville. Dosithé Bernardin a sculpté un maître-autel sans clous et en a fait don à l’église. Il est là et sert encore aujourd’hui. Il a été béni le dimanche de Pâques en 1909 par l’abbé Boivin. La paroisse Saint-Sacrement a reçu officiellement son décret de l’archidiocèse de Saint-Boniface le 12 août 1909 et en 1910, M. et Mᵐᵉ Eddie Bernardin, cousin au second degré avec notre famille, firent don à l’église d’une statue de la Vierge Marie.
Un fait intéressant est que les paroissiens voulaient une grange pour abriter les chevaux. Alors M. Richard Désilets en a construit une. La paroisse demandait un montant d’un dollar pour un cheval et deux dollars pour deux chevaux et plus. L’abbé Giroux, qui fut le curé de Sainte-Anne pendant plusieurs années, a même causé des remous à Élie au moment de sa mort en 1910. (Je n’ai pas pu trouver la raison ni quelle ampleur elle a eu.) Toute la question concernant l’établissement d’une paroisse à Élie était tellement controversée. Le bon curé Halde, qui passa bien des années à Saint-François-Xavier, vint à Élie pour célébrer la messe. Lorsqu’il monta en chaire pour la première fois, une marche de l’escalier se brisa. Après s’être cramponné, il saisit un morceau de sa soutane et fit un saut en s’écriant : « Je suis trop pesant pour les gens d’Élie ». Ce qu’il faut savoir dans tout cela, c’est que j’ai connu le curé Halde et il ne devait pas peser plus de 110 livres (environ 50 kg), toute sa vie durant. À l’époque, c’est-à-dire 1915, il y avait 67 familles : 58 françaises et 9 anglaises pour un total de 401 paroissiens et paroissiennes, dont 378 français et 23 anglais. L’abbé Hogue fut nommé en 1916 curé d’Élie par Mgr Béliveau.
Ce fut le commencement officiel de l’assimilation d’Élie et d’autres regroupements religieux francophones, car ils faisaient partie de l’archidiocèse de Winnipeg. En 1928, la vieille église de 1912 a été démolie. La nouvelle église mesurait 120 pieds, incluant la sacristie, et a été complétée au coût total de 33 000 $. La bénédiction de la pierre angulaire a eu lieu le 3 juin 1920. Le solde de 13 000 $ fut payé en entier le 3 juin 1951. L’électricité fut installée par Paul Painchaud et son frère en 1934. J’espère que ma mère, Angèle Bernardin, n’a pas pensé que l’électricité avait été installée juste pour le baptême de son fils, Louis Bernardin ou Ti Louis, comme c’était l’habitude de raccourcir les prénoms. Il y avait Ti Jean, Ti Louis, Ti Georges, etc.
Peut-être que ma mère Angèle Dupuis avait commencé à donner un coup de main au curé Hogue au presbytère. Je me souviens, qu’une bonne journée, autour du piqué, les bonnes mères s’échangeaient des nouvelles qu’on ne peut pas trop qualifier de commérages, mais, vers la fin de la journée, ces discussions devenaient de plus en plus osées, avec leurs commentaires, ou devrais-je dire, les sujets de conversation plus francs, sans trop manquer de charité.
Le sacrement de la confession devenait méthodique et commençait déjà à être embêtant, pour ne pas dire autrement.