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Louis Bernardin (moi)

 

Nous voilà rendus à Louis Bernardin, neuvième de la famille, quatrième des gars, flanqué entre ses sœurs. Voici ce que ma mère disait...... et on ne l’a jamais appelée maman, on l'appelait «M'man». Quand ma mère me demandait quelque chose, je lui répondais « Attends une minute, eh! M’man. » On me dit que ce sont les premières paroles de mon enfance. Parmi les souvenirs les plus anciens, j’étais assis dans la cour devant la maison, et ma mère, lavant la vaisselle, me surveillait par la fenêtre de la cuisine. Mais, que pouvait-elle faire quand elle a vu les chevaux qui s’étaient échappés de leur enclos se diriger vers moi à la course? Les sept ou huit chevaux déchaînés sont passés tous ensemble, à gauche, à droite, et par-dessus moi, dans un nuage de poussière. Le nuage dissipé, j’étais encore assis là. Aucun cheval ne m’avait touché le moindrement. Un peu plus vieux, vers l’âge de 10 ans, nous jouions souvent aux cowboys et à la guerre. C’était durant la Deuxième Guerre mondiale (1941). On se faisait des carabines avec des planches d’épinette. C’étaient des élastiques rouges qui servaient de munitions. Un jour, je m’étais fait un « casque en fer » à partir d’un réflecteur à lumière d’un Ford Model T que mon oncle Magloire avait démoli. Avec ma carabine et mes pistolets en bois, je marchais de long en large devant la maison depuis déjà longtemps. Ma mère, intriguée par mon comportement, est venue me demander ce que je faisais là. Je lui ai répondu que je surveillais, et que je la protégerais de la guerre qui avait lieu en Europe.

Je me souviens aussi d’un voyage au zoo dans un Ford Model A. Au départ pour Winnipeg, nous avions donc une voiture pleine à craquer. Une demi-heure dans les chemins de gravier, ça s’endure, mais ensuite, les vérités sortent : « Y me touche… y me regarde… etc. » Le plus difficile à comprendre, c’est qu’il était absolument interdit de toucher le dossier du siège du père. Même un accident n’était pas acceptable. On visitait les animaux sans grande surprise, quoiqu’il y en avait qui étaient étrangers, et ceux-là méritaient notre attention. Avant de repartir, mon père nous payait une dernière traite : une crème glacée géante. Il fallait bien que quelqu’un de nous échappe son cornet. Peu importe qui en a été la victime, l’incident a eu un effet négatif sur les personnes, et finalement, sur tout le voyage.

Les travaux de la ferme, les travaux avec Fleurette et Fernand, les betteraves à sucre le printemps, pour les éclaircir, et l’été, pour le piochage, à l’automne, arracher les betteraves, les étêter et les charger dans le casier à betteraves pour enfin les charger dans le wagon du chemin de fer. Plus tard, je suis parti d’Élie pour apprendre la télégraphie et commencer le travail au Canadien National. Mon premier mariage, avec Denise Rivard, a donné trois filles, la plus vieille, Gina est née en 1959, la deuxième, Renée, en 1961, et la dernière, Angèle, en 1963. Après neuf ans de travail de part et d’autre, je suis finalement arrivé à Sainte-Anne avec ma famille pour travailler comme opérateur de nuit. En 1965, une fois la Villa Youville construite, j’ai commencé à y travailler tout en gardant mon emploi de nuit. L’année suivante, le conseil de l’hôpital est venu me rencontrer à la station à 23 h pour m’embaucher comme directeur général de cette même institution. Je suis demeuré 27 ans à la Villa et six ans à l’hôpital.

Pour revenir à l’essentiel, une journée d’été, pour moi, était bien remplie. Nous avions tous une besogne à faire, mais au jour le jour, il fallait voir aux animaux, aux poules, aux cochons et aux petits veaux. Surtout au printemps, il fallait suivre les poules couveuses en dehors du poulailler afin de trouver leurs nids. Si elles pouvaient accumuler une dizaine d’œufs, elles devenaient couveuses par nature et souvent il était trop tard pour retirer les œufs de la nichée et on aboutissait avec une famille de petits poulets dans la cour. Les petites poules Benty, qui hivernaient dans l’étable se comportaient de la même manière. Celles-ci étaient plus petites, avec un plumage coloré. Les chevaux étaient au pacage tout l’été, excepté quand il fallait aller chercher de la paille, du foin et cultiver nos grands jardins. Les vaches surveillaient jalousement leurs veaux. Celles qui donnaient du lait nous attendaient avec impatience, les oreilles avancées, chaque matin et chaque soir, si on était deux minutes en retard.
 

(suite au prochain numéro)

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