Ces paroles inspirées de lectures, de rencontres, de réflexions et de sa propension à jeter un regard critique sur la société qui l'entoure, Guy les offre aux créateurs de musique à la recherche de textes significatifs.
« La chanson… c’est un vivant petit oiseau sensible et intelligent dont l’univers est la cour, il connaît et ressent tout mais en petit, c’est très parent avec le conte et la fable. » – Félix Leclerc
Les élections présidentielles américaines me rappellent à quel point je me sens loin des valeurs prônées par nos voisins du Sud. Étrange, cette société, n’est-ce pas? À peine si le terme « société » est approprié pour décrire cette somme d’individus unis, en fait, par des valeurs qui les divisent. Partisans d’une forme de méritocratie (privilèges et pouvoir obtenus par le mérite), adeptes du « chacun pour soi », dressés les uns contre les autres et incapables de renoncer au désir de se faire justice par eux-mêmes, que signifie donc « vivre ensemble » pour les habitants de ce pays? Et que penser de ce « rêve américain » qui les anime toujours, cette idée selon laquelle tout un chacun peut devenir prospère grâce à sa détermination et à ses efforts? Quel mythe! Quelle illusion! S’il est un endroit au monde où l’égalité des chances est réduite au minimum, c’est bien aux États-Unis!
De nombreux observateurs l’ont déjà souligné : ce pays est rempli de contradiction! Un peuple qui fait sans cesse référence à Dieu (God Bless America), mais qui a aussi un souci « impérial » de protéger ses intérêts économiques dans le monde, en prenant tous les moyens nécessaires, aussi douteux soient-ils sur le plan éthique. Un système politique complexe, se voulant des plus démocratiques, mais aussi une production effrénée de discours propagandistes (la propagande n’est-elle pas contraire à la démocratie?) qui ont pour fonction de camoufler la vérité, de promouvoir des idéaux chimériques (self-made-man, quête du bonheur-richesse matérielle, etc.) ou qui font valoir le bien-fondé d’être armé jusqu’aux dents, de faire la guerre, de se tirer dessus à bout portant (et l’on s’y prend de plusieurs manières : discours politiques, relations publiques, productions cinématographiques, offensives publicitaires, etc.). Haut lieu des sciences et de la technologie (pensons seulement à la NASA), siège des plus grandes universités, mais produisant près de 40 % de son énergie avec du charbon (comme au XIX ͤ siècle!) et comptant une population à 20 % climatosceptique. Et combien d’autres contradictions encore pourrions-nous ajouter à cette liste? Allez donc comprendre!
Dans le texte qui suit, je dresse un portrait de l’Américain, non pas ce gentil vacancier que vous rencontrez sur les plages de la côte Est ou ce sympathique consommateur qui habite les centres commerciaux, mais plutôt l’Américain idéalisé, le modèle d’homme et de femme qui inspire tant de citoyens de ce pays et d’ailleurs. Ce modèle, c’est celui de la réussite, celle qui équivaut à « posséder » et qui se calcule en million de dollars. Dans ce pays, celui qui « réussit » est adulé, même s‘il est bête comme un âne!
Vous constaterez que le nombre de rimes, dans ce texte, est limité à deux par couplet et un seul pour le refrain. Petite épreuve d’écriture que se donnent parfois les auteurs, pour le simple plaisir de relever le défi, mais aussi pour l’effet harmonieux que peut en capter l’oreille.
Je suis un Américain
De mon pays je suis l’emblème
L’homme nouveau, réinventé
J’ai le culte de moi-même
De la jeunesse, de la beauté
Je suis la crème de la crème
Je suis le rêve réalisé
Je récolte ce que je sème :
Une fortune bien méritée
Je suis un Américain
Jamais petit, jamais moyen
Je me réclame du Divin
Mais je garde une arme à la main…
Ma banque est une cathédrale
La bourse lui tient de tabernacle
J’y place le précieux métal
Il fructifie comme par miracle
Devant mon puissant capital
Volent en éclat tous les obstacles
Et je m’élève au rang d’étoile
Et je me donne en spectacle
Je suis un Américain
Jamais petit, jamais moyen
Je me réclame du Divin
Mais je garde une arme à la main…
Je suis le roi d’un monde fou
Que l’on admire pour ses prouesses
Mes frères croupissent dans la boue
Faut-il donc que je m’abaisse?
Ne vaut que l’homme qui reste debout
À mon pays j’ai fait promesse
L’homme pour l’homme est un loup
Malheur à qui montre faiblesse
Je suis un Américain
Jamais petit, jamais moyen
Je me réclame du Divin
Mais je garde une arme à la main…