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Laurette Lacroix a fait ses études après l'application de la Loi sur les écoles du Manitoba qui abolissait le français comme langue officielle, et après que l’enseignement public en toute autre langue que l’anglais y soit interdit. Malgré tous ces efforts d’assimilation des francophones, Laurette réussit non seulement à conserver son français, mais à coucher sur papier des anecdotes sur sa vie à la ferme lorsqu’elle était jeune fille et jeune mère. C’est à titre posthume que nous publions ses écrits.

Les dimanches en famille

Lorsque nous étions enfants sur la ferme, nous aimions bien nos petites routines de tous les jours. On prenait notre temps pour déguster notre petit déjeuner de gruau, de rôties ou de crêpes. Mais, le matin du dimanche, il fallait se lever de bonne heure, se laver et s’habiller dans nos plus beaux vêtements. Rien à manger ni à boire. Il ne fallait pas oublier nos chapelets et nos mouchoirs. 

Pour se rendre à l’église, il fallait faire plusieurs kilomètres en voiture. Alors, ce n’était pas surprenant que durant la messe, nos intestins se révoltaient du changement et faisaient des bruits forts, tout comme ceux des autres enfants. On prétendait que ça ne venait pas de nous. Il y avait tant d’arômes en entrant dans l’église : encens, parfum, etc., mais le pire, c’était la senteur de tabac, car les papas en avaient profité pour fumer avant d’entrer. Non seulement les papas, mais aussi M. le Curé bien assis dans son confessionnal pour bien pardonner tous les péchés et soulager ceux qui avaient la conscience troublée.

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Histoire de la paroisse Sainte-Anne-des-Chênes, 1876 – 1976, p. 30b, Comité historique du Centenaire, 1976

Bon! La messe commence. Si on n’est pas assez grand, on voit juste le dos du prêtre et ceux des paroissiens. Toujours appréciées, d’abord, sont les peintures aux plafonds et aux murs, qui sont encore là aujourd’hui. La grande partie de la messe est en latin, donc on dit « Amen » quand nos parents le disent. Quand arrive la communion, tu ne touches pas l’hostie avec les doigts ni les dents. De grosses hosties pour de petites bouches.

À cette époque, pour avoir un banc, il fallait payer une dîme. Cela voulait dire que c’était la même famille en avant de nous. Nous étions derrière un père avec ses trois petits garçons, assez tannants merci. En peu de temps, le chamaillage commençait et les oreilles du papa commençaient à rougir. Connaissant les signes, on savait bien que dans peu de temps un des petits était pour avoir une de ces bonnes pincettes à la fin de la messe. Les trois y avaient goûté.

Dans l’autre banc se trouvait une dame avec un beau chapeau. Elle changeait de chapeau souvent et parfois l’étiquette du prix y était encore attachée. Je suppose que c’était plus facile pour l’échanger au besoin. 

Si les paroissiens avaient la difficulté à payer leur dîme, le prêtre acceptait du bois de chauffage en échange.

Après la messe, debout sur le perron, la discussion commençait entre les paroissiens. Les hommes parlaient de politique, de la récolte, etc., et les femmes, elles, parlaient de la famille, de la santé et des jardins. Leurs filles parlaient de la mode et de parties et les garçons, des filles et du sport.

Le dimanche après-midi, on était dans les champs pour des parties de balle, les garçons et les filles ensemble, et le père était toujours l’arbitre.

La mère, elle, était dans la maison avec des visiteurs. Parce que son mari et elle étaient fermiers, ses sœurs de la ville savaient bien qu’il y avait de fortes chances que nous soyons à la maison, car les animaux ne nous laissaient pas prendre de jours de congé. Elles arrivaient donc toutes sans nous avertir, car dans ce temps-là, seuls les gens de la ville avaient un téléphone. Les cousins de la ville aimaient donc ça jouer avec les petits chiens, les minous, les petits poulets, les pigeons, les petits veaux, le vieux cheval tout doux nommé Pete et se rouler dans les gros mulons de paille!

(suite au prochain numéro)
 

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