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À la claire fontaineChoeur Les Rhapsodes
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L'éloge du voyageur

Le voyageur, un personnage d’importance qui a marqué son époque, son pays. On le célèbre, on l’admire, on le respecte. On veut l’imiter, chanter ses chansons. Il est un sujet de discussions animées.

1- Un vieux voyageur raconte à Alexander Ross, un commis de la Compagnie du Nord-Ouest, qu’il a vécu dans ce pays pendant quarante-deux ans à être canoteur, à pagayer, à chanter, à trimer dans les portages et à dormir peu. Le mauvais temps ne l’a jamais arrêté. Il a sauvé la vie de dix bourgeois. Il se vantait d’avoir eu les plus belles femmes et qu’elles avaient toujours été mieux habillées que n’importe quelle femme de bourgeois. Il avait toujours tout dépensé à faire la fête. Il lui confie que s’il était encore jeune, il referait le même métier, vivrait un autre cinquante ans à se passionner pour le même type de plaisir, qu’il n’y avait pas de vie plus heureuse, plus indépendante que celle d’un voyageur, aucun endroit au monde où un homme puisse connaître plus de diversité et de liberté que dans le pays indien[1]. « Hourra! Hourra! Pour le pays sauvage! »

 

2- Le Beaver Club, un club social mis en place par la compagnie du Nord-Ouest et réservé aux personnalités et aux commerçants qui pratiquaient le commerce des fourrures, dont le castor. L'expérience militaire et l'adoption de méthodes commerciales efficaces utilisées par les Français ont contribué à l'efficacité en affaires et au succès de la compagnie du Nord-Ouest. Parmi les membres, on retrouve de riches négociants en fourrures, des courtiers en fourrures à la retraite, des actionnaires et des traiteurs : Simon MacTavish, William MacGillivray, Roderick Mackenzie, Cuthbert Grant, Alexander Mackenzie, Simon Fraser, Angus Shaw et Charles Chaboillez, James McGill (le fondateur de l’Université McGill), Pierre Falcon, François Beaulieu, Michel Bourassa, Nicolas Montour et bien d’autres.

 

Une ou deux fois par année, on organise une sorte de banquet au Beaver Club de Montréal pour célébrer la vie et l’année passée dans les pays d’en Haut. On y pratiquait l’esprit de corps parmi un ensemble d'hommes respectés de la société et pour y être invité, on devait avoir passé au moins une année dans les pays d’en Haut. On connaissait donc les difficultés et les dangers du commerce de la fourrure au Canada. C’est la fête. On mange de l’ours, du castor et du pemmican, le tout bien arrosé. On rit, on chante de ces chansons comme on les a entendues pendant les déplacements sur les chemins d’eau dans les pays d’en Haut. On s’échange des histoires, des aventures périlleuses vécues dans les pays d’en Haut. On est un peu éméché lorsqu’un des fêtards prend un tisonnier en guise de pagaie, monte sur une table et commence à chanter une chanson de voyageur tout en imitant le mouvement énergique de ramer. D’autres ne tardent pas à l’accompagner avec n’importe quel objet pour ramer et c’est bientôt l’euphorie générale. On se met en rangées comme pour reconstituer l’action dans les grands canots. On chevauche même les tonneaux de vin, on saute de la table sur le sol comme si on sautait un rapide. Et ce, jusqu’au petit matin. Lors d’une de ces agapes, une vingtaine de participants dont Alexander MacKenzie et William MacGillivray chantaient et dansaient toujours jusqu'à 4 h du matin. On a retrouvé environ 120 bouteilles de vin, bues, cassées ou répandues cette nuit-là.

 

Des personnalités invitées : Lord Selkirk, le Général Sir Gordon Drummond, le Général Sir Isaac Brock, Washington Irving, le Général Sir Roger Sheaffe, Sir John Franklin, Thomas Moore, John Jacob Astor et Lord Dalhousie. Ce dernier écrit dans son journal qu’il ne se rappelle pas de moments plus agréables et intéressants que cette journée au Beaver Club.

 

Au début de chaque banquet au Beaver Club, on passe le calumet, le président fait un discours et on porte cinq toasts[2] :

 

  • à la mère de tous les saints

  • au roi

  • à la traite des fourrures

  • aux voyageurs, femmes et enfants

  • aux membres absents ou disparus

 

Pierre Falardeau en a fait un film : Le temps des bouffons. Finalisé plusieurs années après son tournage en 1985, le film utilise le banquet de fête du 200e anniversaire du Beaver Club, se déroulant à l'hôtel Reine Élizabeth, pour dénoncer le régime colonialiste qui, depuis la défaite des plaines d’Abraham, est imposé au peuple québécois par le conquérant anglais.[3]

 

3- Monsieur MacGillivray revient d’un long séjour dans les pays d’en Haut. On organise un souper de famille avec quelques invités.

 

Après le dîner, des invités terminent leur vin et se joignent alors aux dames pour le café et mademoiselle MacGillivray insiste auprès de monsieur MacGillivray pour qu’il chante une chanson entraînante des voyageurs : Le premier jour de mai. Il s’exécute et s’accompagne d’une main au piano pour jouer l’air plein d’allant.

 

Monsieur MacGillivray la chante comme les vrais voyageurs pouvaient le faire, imitant l’action de l’aviron, avec leurs voix retentissantes, mais tout aussi musicales. Sa voix exercée lui permet de nous rendre les crescendos et les décrescendos des sons sur l’eau poussés par le vent, dispersés et adoucis dans les grands espaces ou ramenés à l’oreille par les rochers avoisinants. Il termine, comme c’est l’habitude, avec le cri perçant à l’indienne[4].

 

4- Le docteur Bigsby qui accompagne régulièrement les voyageurs avoue n’avoir rien en commun avec eux, néanmoins il se rappelle leurs rires et leurs chansons. « Je les regarde avec une mystérieuse admiration, comme étant les derniers vestiges d’une civilisation ancienne. »[5]

 

5- La médaille de James McGill fait l’éloge du voyageur :

 

Un canot avec quatre voyageurs et sa devise : « Fortitude in Distress » ou « Le courage face au péril ». Ce qui veut dire qu’on avait gagné ses galons dans la nature sauvage, ayant parcouru à plusieurs reprises des milliers de kilomètres jusqu’à un comptoir de commerce isolé, puis revenant au point de départ.

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6- Ils ont marqué leur époque à cause des chansons!

 

Chanter est un outil de travail, une marque de commerce. Donner 50 coups de rame à la minute, ça permet de chasser l’ennui, de soutenir le rythme, la cadence, de combattre le stress, d’évacuer la peur après des situations dangereuses, etc. Ils chantent partout où ils passent, au départ de Lachine, à l’arrivée à Grand Portage, pour impressionner la foule qui se presse au départ ou à l’arrivée, pour saluer une autre brigade sur l'eau, au passage devant un village, un campement. On accourt pour chanter avec eux, pour les saluer au passage. Tout le monde chante avec eux, même les passagers qui admirent les chants rythmant si bien la cadence des avirons : Lady Simcoe, Thomas Moore. Leurs chansons ont une réputation internationale. Quand George Simpson choisit ses hommes, ce sont les meilleurs chanteurs du monde. D’ailleurs, c’est un talent reconnu. Le bon chanteur est mieux payé. On en parle, on les imite, on les célèbre dans les soirées mondaines, dans les repas de famille, au Beaver Club ou ailleurs. Ils ont marqué leur époque à cause des chansons!

 

[1] Podruchny, Les voyageurs et leur monde : 9-10

[2] Gough, First Across the Continent : 188-189

[3] Falardeau, Le temps des bouffons : Wikipédia

[4] Bigsby, The Shoe and Canoe : t. 1, 119

[5] Bigsby, The Shoe and Canoe : t. 1, 132-133

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