Imane – Arriver en pleine pandémie
Nous commençons cette nouvelle chronique par une entrevue réalisée avec Imane Kaouche, une Maghrébine qui nous a fait le plaisir d’inaugurer ce tout nouvel espace culturel qui, nous l’espérons, saura conquérir le cœur de nos chers lecteurs en exportant une culture venue d’ailleurs, vivant ici.
Imane est arrivée d’Algérie et s’est installée à Winnipeg en août 2019, avec sa petite famille : son mari, Rafik, et leurs trois enfants : Meriem 10 ans, Rayan 3 ans et demi et Narimane 2 ans. Imane est architecte de formation, elle était professeur universitaire en architecture et urbanisme en Algérie.
Comment s’est passée ton intégration Imane?
Honnêtement, je n’ai trouvé aucun problème à m’intégrer au sein de la société manitobaine, j’étais même très occupée, car dès mon arrivée, j’ai commencé à faire du bénévolat dans les programmes d’anglais langue seconde du Centre Edge, de la Division scolaire de Winnipeg et de la Division scolaire Louis Riel. De plus, j’offrais des services de traduction au Centre Deleurme.
En parallèle, j’étais en recherche active d’un emploi qui me correspondait en tant que maman de quatre enfants.
Comment as-tu vécu cette pandémie Imane?
J’avais dû me rendre en Algérie pour une dizaine de jours et je suis rentrée le 29 février 2020. La première semaine s’est bien passée, mais après ça, les choses ont commencé à se dégrader : fermeture des garderies et des écoles pour les enfants, arrêt de mes cours d’anglais et même de mon travail bénévole.
Après six mois de recherche, mon mari venait de commencer un emploi et on lui a offert d’arrêter ou de continuer. Je l’ai encouragé à continuer, car j’avais peur pour nos finances.
À cette époque j’étais enceinte, et je ne vous raconte pas dans quel état d’esprit j’étais, je suis devenue une maniaque de la propreté, je désinfectais absolument tout, plusieurs fois même.
Nous savons que tu as vécu deux évènements marquants en pleine pandémie : un accouchement et récemment une circoncision¹. Raconte-nous comment tu les as vécus compte tenu de cette pandémie, mais aussi de l’éloignement avec ta famille.
Pour ne rien vous cacher, j’ai vraiment mal vécu ma grossesse. Je devais aller faire mes échographies et mes examens de suivi seule, car on n’acceptait pas la présence des maris afin de minimiser les risques de transmission. Le 25 juin, j’ai dû accoucher seule d’Adam, car mon mari travaille dans un endroit où il y a beaucoup de monde. Il est passé très rapidement voir le bébé, car il n’y avait personne pour garder nos autres enfants, depuis, je n’ai vu personne, c’était l’accouchement le plus triste de ma vie, à l’image de ce que nous vivons…
J’ai eu des complications après l’accouchement, mais je n’ai rien voulu dire à ma famille pour ne pas les inquiéter, d’ailleurs ils ne le savent toujours pas. Heureusement qu’il y a Internet qui nous permet de partager les moments de joie, ne serait-ce que virtuellement, et ça me permettait aussi de prendre les conseils avisés de ma mère et de les appliquer, surtout quand il s’agit de remèdes ancestraux.
Pour la circoncision de Rayan, le 5 décembre 2020, c’était moins pénible, car ce n’était pas stressant comme l’accouchement puisque d’une part je me suis adaptée à vivre et à survivre à cette pandémie, et d’autre part j’ai pu faire la connaissance de plusieurs femmes maghrébines grâce au groupe sur Facebook les MaghrébWin qui nous a réunies et a créé une vraie communauté d’entraide, ça m’a vraiment beaucoup aidée moralement.
La seule contrainte est de ne pas pouvoir se faire aider physiquement à cause des mesures drastiques imposées par le gouvernement. Encore une fois, j’étais obligée de ne pas informer ma famille de la circoncision en temps réel, jusqu’à ce que Rayan ait guéri, par peur de les inquiéter.
Comment te sens-tu maintenant Imane, après tout ça?
Forgée et beaucoup plus forte qu’avant, j’ai appris en une année ce que je n’ai pas appris durant toute une vie…
Quel est ton conseil pour les femmes maghrébines au Manitoba?
Je suis passée par des moments très difficiles, encore maintenant, mais le plus important c’est de rester positives et vigilantes, prendre l’information de sources fiables et avec des pincettes, surtout quand il s’agit du Web…
Je n’ai jamais utilisé de désinfectant pour les mains chez moi, pour moi c’est plus commercial qu’hygiénique, nous nous sommes toujours lavé les mains à l’eau et au savon.
Je suivais les informations tous les jours jusqu’à l’obsession, et un beau jour j’ai arrêté tout ça et mon déclic fut le mois sacré de Ramadan, qui m’a permis de m’occuper en préparant nos délicieux plats traditionnels ainsi que différentes coutumes, et ça m’a beaucoup aidée sur le plan moral, car je m’occupais l’esprit tout en restant bien sûr vigilante par rapport aux mesures d’hygiène concernant la COVID-19.
Et enfin, chères Maghrébines soyez unies, restez authentiques et fières de nos traditions.
« En dernier, j’aimerais dire quelque chose aux immigrantes maghrébines, précisément celles du Manitoba. Mon conseil : il faut qu’elles soient persévérantes, patientes et qu’elles aient confiance en elles. C’est la clé du succès, surtout pour un immigrant. Aussi, il faut qu’elles s’accrochent à nos mœurs et coutumes et qu’elles essaient le plus possible d’être les ambassadrices de la culture maghrébine ici au Canada. »
Le m'sili est le dialecte des habitants de M'sila.
¹ La circoncision est une pratique le plus souvent religieuse ou culturelle, mais parfois requise pour des raisons médicales. Au Maghreb, elle représente un rite de passage d'un état à un autre, La circoncision est l'occasion d'une grande fête familiale et sociale; il s'agit d'un événement important dans la vie du petit garçon et elle est perçue comme un devoir religieux.
Voici deux liens pour se renseigner sur ce sujet :
- Circoncision, Naître et grandir
- Grandir en situation de migration, rituels de passage au Maghreb