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Découvrez la diversité des talents littéraires de l’Ouest et tout particulièrement du Manitoba. Fermez les yeux... laissez-vous bercer au rythme des poèmes ou courtes nouvelles gracieusement récités par Emmanuelle Rigaud. Faites connaissance avec Lise Gaboury-Diallo, Charles Leblanc, Louise Dandeneau, Bertrand Nayet, Robert Nicolas, J.R. Léveillé et bien d’autres encore au fil des lectures proposées par Emmanuelle. Si ces extraits vous plaisent, vous pourrez vous procurer les œuvres complètes publiées aux Éditions du Blé. 

Mise en garde
Les textes de cette série abordent des thèmes et des idées destinés à un lectorat adulte. Certaines sections pourraient ne pas convenir à un jeune public. Nous encourageons les lecteurs à exercer leur discernement et, si nécessaire, à lire avec un accompagnement adapté.

– Table des matières –

SAISON 1

Les voix
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les voix humaines sont intarissables, de Charles LeblancLecture d'Emmanuelle Rigaud
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les voix humaines sont intarissables

je suis couché pour mieux entendre

ces bruits de ferraille en mouvement

dans des villes étrangères

sous les ordres d’officiers modernes

réalistes comme des billets de banque

j’entends aussi

le claquement de la panique

dans les maisons éventrées

ailleurs c’est la déchirure d’une explosion

dans un marché animé de bonnes intentions

les hululements soulèvent les cercueils

j’écoute attentivement

les appels lancinants des affamés

le choc mou des diamants sur les bras amputés

les cataclysmes débordants

qui noient les tentatives de survie

les déserts qui rhizoment la planète

et grisonnent les continents

puis ce sont les discours soucieux

qu’assaisonnent le fatalisme d’experts lointains

et les concerts plus grands que nature

qui proposent des images mondialisées

pendant une brève période anxieuse

pour se sentir bien de se sentir mal

j’ai les oreilles ouvertes

au grondement des machines

dans leurs enceintes d’acier

où ça travaille de plus en plus

ailleurs qu’ici

je suis attentif

au crissement des pneus neufs

dans la nuit surchauffée

à l’écho des idées de grandeur perdues

lorsque s’éteignent les lumières

sur les marquises optimistes

au grincement des chariots d’épicerie

poussés par des ombres obstinées

qui chassent des trésors dans les rues

et aux murmures des enfants

dans les lits envahis

je discerne

la rage enfouie de tous ceux et celles

qui en ont assez du malheur de vivre

comme des chiens agités

prêts à faire n’importe quoi

pour ressentir quelque chose

parce qu’il faut bouger dans le vent

ne pas geler sur place comme un cri primal

enfermés impuissants

dans un rêve de liberté monochrome

je me concentre

pour reconnaître le son clair

des gestes de complicité lucide

dans les quartiers dévastés

ces femmes et ces hommes

qui coulent des fondations solides

pour loger leur vie

mes tympans vibrent

dans le silence réparateur des jours d’éclaircie

les voix chaudes des conversations nourries

pour se raconter des nuits glorieuses

et surtout la musique

les chansons d’espérance immense

et de révolte sourde

les notes voyageuses offertes à l’air ambiant

quand ce n’est pas la nonchalance étudiée

du rire contagieux de tous ceux et celles

qui résistent aux intrusions incessantes

j’entends ce que je peux capter

au-delà des murs poreux

une rivière de paroles en crue

 

(janvier 2008) 

Extrait du recueil soubresauts de Charles Leblanc,
Les Éditions du Blé, 2013

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Le magasinage
Le magasinage, nouvelle de Robert Nicolas Lecture d'Emmanuelle Rigaud
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Le magasinage

Il y en a qui raffolent de faire du magasinage. Pour le reste du monde, cette activité demeure une tâche ardue, le comble de l’ennui, une épreuve cauchemardesque : un véritable enfer. Considérons, par exemple, l’achat de vêtements. Après avoir choisi un habit qui correspond à notre taille, on se rend dans la cabine d’essayage, on se déshabille pour enfiler la pièce en question pour se rendre compte que c’est trop petit ou trop grand. Il faut ensuite se rhabiller, sortir de la cabine et partir à la recherche d’une autre taille pour découvrir qu’il n’en reste plus. Parfois, on doit aussi décider entre une autre couleur ou une autre coupe. En retournant à la cabine, on doit attendre à nouveau notre tour parce qu’elle est occupée. Insatisfait, on finit par acheter un tout autre vêtement, différent de que ce que l’on avait prévu, simplement parce qu’on préfère ne pas répéter cette insupportable expérience dans un autre magasin. Tant pis pour le prêt-à-porter ! L’angoisse et le désagrément augmentent davantage lorsqu’il s’agit de l’achat d’un meuble, d’une voiture ou d’une maison étant donné le risque de la responsabilité financière qui les accompagne. Du moins, c’est ce que l’on me dit.

 

Je ne me préoccupe que rarement de l’achat d’habits anodins et jamais des autres articles mentionnés ci-dessus. Par contre, rien ne m’exaspère autant que d’acheter un stylo. Êtes-vous déjà allé dans un magasin de stylos ? Je ne parle pas d’une papeterie, mais bien d’une boutique spécialisée. Parmi des milliers d’exemplaires de plumes, il faut d’abord choisir entre un stylo bille, un stylo roller, un stylo feutre ou un stylo plume et j’ignore s’il en existe d’autres sortes. Il y a plus de 5 000 produits et marques en ligne ! Il faut connaître les avantages et les désavantages de chacun d’entre eux afin de faire un choix judicieux. S’ajoute à ça une abondance de formes et il est à noter que plusieurs ne sont pas très confortables, soit parce que le corps des plumes est trop bombé, soit parce qu’ils ont une taille ou une forme inadéquate, reposant mal entre les phalanges. Certains stylos sont munis d’un caoutchouc ou d’une éponge près de leur pointe afin d’y ajouter du confort. Quel gimmick ! Certains d’entre eux ont une forme hexagonale, qui ressemble au crayon, ou ronde, et leur diamètre peut varier. Et bien sûr on peut choisir la couleur du stylo : on hésite entre le bleu, le rouge, le jaune, le vert, le noir, l’orange, le rose, le violet, le marron, laqué noir intense, chromé, etc. Et, il en va de même pour la couleur de l’encre ! Si ce n’était pas assez, il faut également décider si on veut un stylo à bouchon ou si on en veut un avec une pointe rétractable, avec quatre pointes rétractables ou encore le stylo multifonctions. Dans le premier cas, on finit toujours par perdre le bouchon ou on le mâche jusqu’à ce qu’il disparaisse ; dans le second, les pointes finissent toujours par se coincer. Enfin, à mon humble avis, une plume n’a qu’une fonction, le restant est accessoire et souvent peu pratique.

 

Puis, ça devient sérieux, puisqu’il faut savoir si on veut un stylo avec de l’encre visqueuse, aqueuse ou gélifiée. Et là encore, tout dépend du montant de bavure ou d’irrégularité concernant le débit d’encre qu’on est prêt à tolérer. À moins qu’on ne veuille un stylo feutre, mais les pointes de ceux-ci sont susceptibles de sécher. Il suffit d’oublier de mettre le bouchon et ça y est, il ne marchera plus. Ne parlons surtout pas des stylos plumes ! Capricieux et salissants, ils imposent un mouvement qui nécessite un réapprentissage de l’acte même d’écrire, ce qui est malheureux, parce qu’il y a un certain charme à l’idée d’utiliser ce genre d’outil. Quant à y être, une plume et un encrier feront l’affaire. Je m’en fous si chaque instrument d’écriture a un tempérament unique lorsqu’il s’agit d’une question du flux d’encre qui en découle. Tout ce qui importe, c’est d’éviter un écoulement interrompu ou excessif. Soyons honnêtes, quand il n’y a pas assez d’encre qui coule, on se bat pour qu’il en ait plus, et quand il y en a trop, on passe des heures à se laver les mains. Et pendant tout ce temps-là, on aurait pu avoir écrit quelque chose. Mais où sont partis les bons stylos ? Tout ce que je veux, c’en est un qui a une fiabilité dans le rendu calligraphique qui produit une ligne ni trop épaisse, ni trop fine. Je pourrais considérer l’utilisation d’un crayon de plomb ou à mine rétractable, mais les deux s’effacent avec le temps. (Tiens, pourquoi ne pas alors considérer l’utilisation des crayons de couleur…? Non. Pas aujourd’hui.)

 

D’ailleurs, je ne vois pas comment font les gauchers. Eux qui doivent se traîner la main sur de l’encre fraîchement coulée afin de la faire voyager d’un côté de la page à l’autre. À vrai dire, avec toutes les complexités qui accompagnent l’acte d’écrire et toutes ses contraintes, je me demande comment les gens font pour écrire quoi que ce soit. Si ce n’est pas l’inspiration, c’est la motivation, ou le temps, ou encore les outils qui font défaut !

 

Souvent on me demande pourquoi je n’achète pas plusieurs stylos que j’aime bien, au lieu de n’en acheter que quelques-uns à la fois. C’est sûr qu’il y a une certaine logique derrière cette question et que ça pourrait éviter une panne éventuelle d’écriture. C’est justement ce que j’ai voulu faire la dernière fois que je suis allé au Luxe Stylo, mais comme ça faisait tellement longtemps que je n’y étais pas allé, le vendeur m’a indiqué que le stylo que je cherchais n’existait plus. En pointant son doigt vers les rayons des nouveautés, il m’a demandé quelle sorte de stylo je voulais. Découragé à la vue de toute la panoplie de stylos de différentes couleurs et formes, j’ai levé la main dans laquelle se trouvait mon vieux stylo en indiquant d’un hochement de tête que c’était celui-là que je voulais. Le vendeur m’a souri et m’a dit sur un ton qu’il croyait sans doute être réconfortant :

 

— Monsieur, à un moment donné il faut essayer un nouveau stylo. Et il n’y a pas meilleur moment qu’aujourd’hui !

 

Il m’a ensuite conseillé d’en acheter plusieurs à la fois pour éviter de faire face à une rupture de stock.

 

Il m’a montré un Montblanc ainsi que des coffrets spéciaux (avec clé USB, ou ouvre-lettres, ou montre, etc.) et le tout à des prix exorbitants. Il doit halluciner s’il croit que je peux me permettre une dépense aussi extravagante. Je refuse de payer plus de deux dollars le stylo. Après, on me dit qu’acheter en grande quantité revient à meilleur marché. C’est absurde, il s’agit de la surconsommation à mon avis. On n’a jamais besoin d’autant de stylos, du moins pas moi. Et si je n’arrivais jamais à écrire un traître mot, je ferais quoi de tous ces stylos ? Et s’il n’existe pas ce stylo parfait, ou du moins, si la plume de mes rêves ne me tombe jamais sous la main quand je suis prêt à écrire, comment arriverai-je à être un célèbre écrivain?

 

 

Nouvelle de Robert Nicolas, extraite du recueil Nouvelles orphelines,
Les Éditions du Blé, 2015

Le magasinage
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Comment le lui dire
Comment lui dire, nouvelle de Louise DandeneauLecture d'Emmanuelle Rigaud
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Comment le lui dire

Il faisait les cent pas dans le salon, évitant soigneusement les bris de porcelaine. Sa respiration était courte, il transpirait. Il fit des poings et lâcha un rire nerveux, pourtant il n’y avait rien de drôle dans tout cela.


Elle lui disait toujours qu’il était gauche, maladroit, balourd, incapable… Elle ressassait qu’elle était lasse d’entendre que c’était un accident et elle l’accusait ensuite d’avoir fait exprès.


Comment trouver les mots alors pour s’excuser cette fois, le vase rare hérité de sa grand-mère, elle ne le lui pardonnerait jamais. Ce vase était ce qu’elle avait de plus précieux, elle le répétait sans cesse.


Pris de panique, il fouilla le tiroir de cuisine, la colle, la colle, ah, la voilà. Il recolla les morceaux de son mieux, balaya et jeta les miettes.


Il plaça le vase de sorte que les brèches soient cachées…


Une clé tournait dans la serrure…


Nouvelle de Louise Dandeneau, extraite de BREF ! (recueil sous la direction de Charles Leblanc pour le Collectif post néo-rieliste), Les Éditions du Blé, 2017

les-carnets-de-mythologies-appliquees-pr
prélude
prélude, poème de Bertrand NayetLecture d'Emmanuelle Rigaud
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prélude

 

la fenêtre poussiéreuse du wagon

patine orangée

soleil levant

le nacre blond du monde

doux à l’oeil endolori

une sorte de premier matin

la cathédrale

ses deux tours

teintées de pêche argenté

l’éclat de la grande rosace occidentale

percée de l’aurore

venue des vitraux du choeur

doux incendie

maculé des trainées grises

et des petites scories

de la vitre

le mercredi des cendres

les curés marmonnaient

tu es poussière

de quoi rassurer

ceux dont les cendres

volent aux vents

de Prusse et de Pologne

Poème extrait du recueil l’enfant rouge, premier volume des Carnets de mythologies appliquées de Bertrand Nayet, Les Éditions du Blé, 2018

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Atropa belladona
Atropa belladonna, nouvelle de Tatiana ArcandLecture d'Emmanuelle Rigaud
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Atropa belladonna


Son guide botanique en main, il entra dans le jardin à la recherche d’espèces rares, et il vit la plante. Élancée, elle était davantage un arbuste qu’une plante, robuste et fort ramifiée, aux tiges de couleur rougeâtre légèrement velues. Elle avait l’air sinistre, pourtant elle respirait pleinement la santé. Fermement ancrée dans le sol, elle portait fièrement ses branches touffues et ses feuilles vernissées, avec l’air d’avoir trouvé l’endroit idéal où vivre.


Il savait que cette plante, mortelle pour l’humain, devait être détruite. Mais sa beauté l’avait séduit. Comment ne pas admirer les cerises du diable accrochées à ses tiges ou les fleurs en cloche de ce végétal luxuriant au port de reine ? Abattre la belladonna ? Impensable ! Émerveillé, il eut un geste de tendresse pour ce bouquet de feuilles et de coroles, qui était de la vie : imprévisible, redoutable, mais exquise et émouvante, reflet de la sienne.


Nouvelle de Tatiana Arcand, extraite de BREF !(recueil sous la direction de Charles Leblanc pour le Collectif post néo-rieliste),
Les Éditions du Blé, 2017

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Les cigales
Les cigales, nouvelle de Lyne GareauLecture d'Emmanuelle Rigaud
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Les cigales

 

Les jours de canicule, la petite Claire s’allongeait devant chez elle. Le ciel était couvert de branches d’érables entre lesquelles passait parfois un nuage. Sous ses jambes, elle sentait le gazon tiède. Sur Sainte-Catherine, les camions s’endormaient.


Elle écoutait les cigales : leur grésillement montait en crescendo puis s’évanouissait. Claire sortait de son corps, s’amalgamait à ce chant. Elle était. Complète. Elle devenait. Asphalte. Brique effritée. Feuilles et gouttières. Une cascade de cillements qui déferlait dans l’été.


Parfois. Maintenant. Lorsqu'elle marche au bord de la mer ou parmi les cèdres, Claire retrouve avec bonheur cet état de conscience totale du monde qui l’entoure. Elle est. Simultanément avec les aigles sur une ile salée de la côte ouest, et au cœur même d’une ville de béton qui flotte sur un fleuve.


Claire chevauche la planète et le temps, vers des cigales brulantes qui enflent à n’en plus finir..

 


Nouvelle de Lyne Gareau, extraite de BREF ! (recueil sous la direction de Charles Leblanc pour le Collectif post néo-rieliste), Les Éditions du Blé, 2017

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Sûtra
Poème de J. R. LéveilléLecture d'Emmanuelle Rigaud
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Viens dans chaque coeur divin
Entre dans le corps tremblant
Viens sans limite
Fixe les excellences
Emporte en passion
Mets un terme à la foi
Que gloire et grâce
soient vides de leur emploi


Poème extrait du recueil SÛTRA de J.R. Léveillé,
Les Éditions du Blé, 2013

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Nouvelle sensation
Nouvelle sensation, nouvelle de Eileen LohkaLecture d'Emmanuelle Rigaud
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Nouvelle sensation


Je porte un anorak chic. Acheté à Nice. Chaussures marines assorties. Gants fourrés. La neige tassée crisse sous mes pas. Je semble marcher sur des blocs de ciment. Les
pieds gelés. Mon nez brule. Je tousse aussitôt que j’ouvre la bouche. De choc. De froid qui s’infiltre jusqu’au plus profond de l’estomac. Traitre. Glacial. Inhumain. L’anorak inutile. Chemise en coton idem. Pull en coton – trop mince. Je ne tremble même plus. Automate ambulante rai-die-de-tou-te-part.


Dans la brume figée une apparition. En maillot. De longs glaçons pendent de sa moustache. De ses boucles brunes. Son nez sa bouche des fumeroles. Ses dents étincèlent. Il sourit. Il n’a pas froid ? Cet homme comme un autre. Canadien oui d’accord. Mais tout de même…


Idiote. Étrangère. Mâle Vénus, il émerge des eaux thermales de Banff… 


Nouvelle de Eileen Lohka, extraite de BREF ! (recueil sous la direction de Charles Leblanc pour le Collectif post néo-rieliste),
Les Éditions du Blé, 2017

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Nos décors
nos décors, poème de Lise Gaboury-DialloLecture d'Emmanuelle Rigaud
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nos décors


les distances habitées
s’arriment aux objets
s’incrustent aux interstices
des filons invisibles
de notre parcours
chacun s’agrippe
à l’ordre coutumier
des banalités on ne les voit qu’en tirant
sur l’ombre issue du vide
contenu dans notre désespoir
alors qu’on grimpe les rampes
exiguës de la conscience
pour toucher
le lisse
ici le poreux
maintenant
le sablonneux
ça
le granuleux matériau
des moi
en contact
ou en désunion
je l’habite pourtant
cette distance
j’appartiens à autrui
me déleste des choses
m’installe avec toi
dans toute reproduction
de nos décors
repeints
souvent bigarrés
cet espace
liminaire
où on est parfois
mis à l’écart


Poème extrait du recueil empreintes de Lise Gaboury-Diallo,
Les Éditions du Blé, 2018

Tempo
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Poème de Bathélemy BolivarLecture d'Emmanuelle Rigaud
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j’anticipe tes yeux café
derniers nés des silences marins
d’un patois mûri
de toi qui ne vas pas arriver
peut-être que cela n’arrivera pas

 

que je manquerai
le projet de virer le temps
de recycler l’étanchement que tes désirs
fendillaient


puis-je me réveiller sans toi?
puis-je déchausser la solitude
du mardi des cendres?
le parcours indigeste que nos délires engluent
dans l’absence viscérale?


est-ce la métamorphose de la peur d’aimer
de risquer son coeur
de dévoiler le que sais-je de l’amour du temps
qui implose?


Poème extrait du recueil Tempo de Bathélemy Bolivar,
Les Éditions du Blé, 2013

Brin de mémoire
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Brin de mémoire de Jean ChicoineLecture d'Emmanuelle Rigaud
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Brin de mémoire


« Monsieur Lachance ! Monsieur Lachance ! ». J’étais sorti de la maison et j’avais traversé la cour à toute vitesse, il avait neigé la veille, sauté par-dessus la clôture qui nous séparait de la cour à monsieur Lachance, gravi les quelques marches de son escalier et sonné à sa porte, c’est son épouse qui ouvrit, « mon père veut tuer ma mère ! » criai-je, c’était le jour de ma fête, je venais d’avoir 8 ans, ma mère m’avait acheté une trousse d’imprimerie, mon père était revenu soul du travail, la chicane avait pogné, c’est quand mon père, armé du couteau à pain, avait plaqué ma mère contre un mur en menaçant de lui trancher la gorge qu’elle m’avait dit d’aller chercher monsieur Lachance, ma tite-soeur, mon ti-frère, mon ami Pierre paniquaient dans le salon, monsieur Lachance arrivait toujours à temps pour sauver les meubles.
 

Nouvelle de Jean Chicoine, extraite de BREF ! (recueil sous la direction de Charles Leblanc pour le Collectif post néo-rieliste),
Les Éditions du Blé, 2017

Carnet brûlé
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Poème extrait de « Carnet brûlé » de Marilyne Busque DuboisLecture d'Emmanuelle Rigaud
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Depuis que je pense au retour, je ne pense qu’à lui, à lui en musique, en vent dans les mains, les mains propres au vent, le vent chaud et sec, la fraîcheur de la lessive, la douceur du dimanche, je ne pense plus qu’à lui en chemise, qu’à lui en torse, qu’à lui faire une surprise, qu’à ses yeux en rigoles, je ne pense plus qu’à lui couché nu, qu’à notre vieille roulotte, qu’à nos couvertures chaudes, qu’à notre chat qui dort, qu’à nos
massages à toute heure, qu’à ses mains sur ma taille, qu’à ses phrases sur les miennes, entassées pour ne faire qu’une, pour ne faire que mieux penser, penser à autre chose, à des choses du maintenant, sans censurer hier, sans clôturer demain.


Depuis que j’y pense, à ce revenir je chante, des bouts de rien dans ma tête, trop pleine de reprises, les mêmes voix autour du feu, qui se disent ma famille, des voix d’inconnus. Je pense au retour ensemble, à la fin de mes expériences, d’aventures
innocentes, en dédales de joues creuses.


Je ne fuis plus, je retourne, et je ne pense qu’au retour, en bras amples, en promesses, en refrains glorieux.


Poème extrait du recueil Carnet brûlé (du monde qui crie) de Marilyne Busque Dubois, Les Éditions du Blé, septembre 2019

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